"En retard, en retard, je suis en retard..." Comme le lapin d'Alice, Apple regarde beaucoup sa montre en ce moment, et s'angoisse un peu. Selon le Financial Times, publié lundi 15 juillet, l'entreprise serait engagée depuis quelque temps dans une frénésie d'embauche de talents et d'acquisitions de jeunes pousses dans le cadre de la mise au point d'une montre connectée sur Internet. Il s'agirait de combler certaines lacunes tant technologiques que commerciales. Déjà, le recrutement, annoncé le 3 juillet, du PDG belge d'Yves Saint Laurent, Paul Deneve, avait fait jaser. Le tailleur se fera-t-il horloger ?

L'information est d'importance, car cette agitation, qui trahit à la fois l'ampleur du projet et l'insuffisance des ressources internes, serait susceptible de retarder la sortie de ladite montre, peut-être vers la fin 2014. Or, il y a désormais urgence.

Ce sera en effet le premier produit vraiment nouveau depuis le décès de Steve Jobs en octobre 2011. En jeu, la capacité de l'entreprise à continuer à jouer son rôle de créateur de nouveaux objets, comme il l'a fait en passant du Mac à l'iPod, puis de l'iPod à l'iPhone et à l'iPad.
Dans le monde impitoyable de l'électronique grand public, c'est une question de survie. Lancé en 2001 et vendu à plus de 275 millions d'exemplaires, le lecteur de musique iPod, qui symbolise la renaissance d'Apple et détient un quasi-monopole sur son marché, ne représente plus aujourd'hui que 2 % de son chiffre d'affaires.
PERTE D'INFLUENCE
Proposé au marché à la mi-2007, l'iPhone constitue désormais plus de la moitié des ventes de la société. Mais cette part diminue déjà, au profit de sa dernière innovation, commercialisée en 2010, la tablette iPad, qui s'arroge déjà 20 % des revenus, contre 16 % en 2012. Et les chiffres trimestriels que l'entreprise publiera mardi 23 juillet confirmeront cette tendance, qui se retrouve dans les profits.
Normal, l'iPhone est un produit arrivé à maturité et dont les améliorations successives ne créent plus les mêmes attentes qu'au début. Surtout depuis que le rouleau compresseur Samsung a rattrapé son retard. Un signe parmi d'autres, le Wall Street Journal rapporte le décalage grandissant entre les ventes programmées d'iPhone par le premier opérateur téléphonique américain Verizon et la réalité. Pas de malaise pour l'instant, juste la perte d'influence d'une gloire en pleine maturité.
Cela signifie que, tous les cinq à six ans, le groupe est condamné à innover dans un nouveau segment s'il veut continuer à croître. Cette règle vaut évidemment pour ses concurrents, qui savent tous qu'il n'y a que l'épaisseur d'une puce électronique entre la croissance et le déclin. Sony l'a expérimenté à ses dépens, et Samsung s'inquiète déjà.

Comme le disait Andy Grove, le patron d'Intel, dans ce métier, "seuls les paranoïaques survivent". Tim Cook sera-t-il aussi parano et génial que son prédécesseur, Steve Jobs ? C'est la question que se posent tous les investisseurs, pour l'instant sceptiques puisque le cours de la société a perdu près de 30 % depuis un an. Pour Apple, la course contre la montre est engagée
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